
A l’occasion de la sortie de « The Maze » , nous avons rencontré Mitch. Cette entrevue nous a permis de nous épancher sur les thématiques qui traversent l’album et bien plus…
TRANK s’est formé en 2016. Pouvez-vous nous raconter brièvement la genèse du groupe ? Les membres actuels étaient-ils déjà présents lors de la sortie de votre tout premier EP ?
En réalité, seuls deux membres sont présents depuis l’origine : YOANN, notre batteur et ami de longue date, et moi-même. À nos débuts, nous nous sommes construits autour de JULIEN, notre premier guitariste, qui a aussi été le lead sur notre premier album. DAVID, notre bassiste actuel, est arrivé un peu plus tard, juste après la sortie de notre premier EP. La formation s’est donc faite progressivement, au fil des rencontres et des disponibilités de chacun.
Nous avions envie de nous investir pleinement dans un projet qui nous ressemble. À la rencontre de JULIEN, l’alchimie a pris et nous avons commencé à composer des titres autour de sa guitare. Ce premier album a été une œuvre très collective, née d’une envie simple mais profonde : jouer la musique que nous avions envie d’entendre, mais que nous ne trouvions pas autour de nous.
Votre deuxième album, THE MAZE, est récemment sorti en vinyle. Pourquoi ce choix de format vous tenait-il tant à cœur ?
Le vinyle connaît un retour en force, c’est vrai. Mais pour nous, ce n’est pas un simple effet de mode ou un choix marketing : c’est un format qui correspond profondément à notre son. DAVID et moi sommes de véritables amateurs de vinyles, pour leur qualité sonore notamment.
Le son de TRANK repose sur des rythmiques puissantes, une voix capable d’aller flirter avec le métal et un foisonnement de textures mêlant éléments organiques et traitement technologique de la guitare. Le vinyle restitue avec finesse cette richesse harmonique, en soulignant ce mélange de force et de sophistication.
Et puis, c’est aussi un bel objet, presque symbolique : un médium analogique dans un monde numérique.
Justement, pouvez-vous nous parler de la genèse de cet album ? Comment est-il né et avec qui avez-vous travaillé pour le faire éclore ?
« The Maze » a été composé, produit et arrangé essentiellement à trois : YOANN à la batterie et aux percussions, DAVID à la basse, et moi-même. Nous avons commencé le travail alors que JULIEN était encore parmi nous. D’ailleurs, certaines compositions ont émergé de ses idées initiales. Mais très vite, au début de l’enregistrement, il a dû se retirer pour des raisons personnelles. Nous avons donc achevé l’album à trois.
Côté technique, nous avons eu la chance de travailler avec YVAN BARONNE notre ingénieur du son, vétéran du festival de Montreux. Il maîtrise parfaitement l’art de capter le bon grain, en choisissant avec soin les micros selon le rendu recherché. Cela nous a permis de créer une musique à la fois puissante, high-tech et profondément organique.
Le mixage a ensuite été réalisé aux États-Unis, dans le New Jersey, par un ingénieur avec qui nous avions déjà collaboré pour notre premier album. Nous avons mixé chaque chanson individuellement, avec l’exigence que chacune ait sa propre identité tout en s’intégrant dans un tout cohérent.
Enfin, comme pour notre premier album, le mastering vinyle a été confié à ANDY VANDETTE ,connu notamment pour son travail sur les enregistrements de DAVID BOWIE. Il a cette capacité rare à adapter le mastering au format pour en tirer le meilleur, que ce soit pour le digital ou pour le vinyle.
L’album « The Maze » est traversé par une grande diversité de climats sonores. On pense notamment au contraste entre votre reprise aérienne de HEY YOU de PINK FLOYD et l’intensité de PRAT FOR RAIN. Cette dualité est-elle au cœur de votre démarche artistique ?
Absolument. Dès le premier album, nous avons cherché à définir une identité sonore intense, parfois sombre, mais toujours nuancée. Nous voulons une musique qui allie énergie brute et subtilité, qui ne soit jamais linéaire ou prévisible. Chaque chanson doit être un voyage en soi.
Avec « The Maze », nous avons pris davantage de liberté. Plutôt que de rester au centre du territoire sonore que nous avions défini, nous avons exploré ses extrémités. HEY YOU représente notre versant planant, presque contemplatif ; PRAT FOR RAIN, avec son rythme tribal presque techno, incarne notre puissance la plus brute. Ces deux morceaux marquent les pôles d’un univers sonore contrasté, un choix pleinement délibéré.
Nous aimons les mariages inattendus, les tensions dynamiques. Cela permet aussi de maintenir l’intérêt de l’auditeur tout au long de l’album.
Ce goût du contraste se retrouve aussi dans vos pochettes. Qui a réalisé celle de « The Maze » ?
La pochette de « The Maze » a été conçue par notre collaborateur visuel attitré, avec qui nous avions déjà travaillé auparavant. Son approche visuelle reflète bien notre univers : un mélange de symbolisme, de modernité et d’inquiétude. Elle donne à voir cette tension intérieure et extérieure que l’on explore dans l’album.
Le titre THE MAZE semble évoquer à la fois la complexité du monde contemporain et celle de l’âme humaine. Comment ce thème s’est-il imposé ?
Il est venu presque naturellement. Nous écrivons généralement la musique en premier, puis les lignes vocales et enfin les paroles. Après quatre ou cinq morceaux, en prenant un peu de recul, nous avons remarqué qu’un thème revenait : la difficulté de définir son identité dans un monde qui te colle des étiquettes selon ta naissance, ta religion, ta couleur de peau.
C’est un paradoxe de notre époque : on prône l’inclusion, mais on compartimente sans cesse. Trouver qui l’on est devient un véritable labyrinthe. D’où le titre THE MAZE.
Le morceau TWENTY FIRST CENTURY SLAVE incarne parfaitement cette thématique, en questionnant notre rapport aux réseaux sociaux. Que raconte exactement cette chanson ?
Elle parle de ces « Social Justice Warriors » qui se placent en juges moraux, parfois sans créer quoi que ce soit de constructif. On y dénonce l’emprise toxique des réseaux sociaux, leur capacité à enfermer les gens dans des comportements compulsifs.
Ceux qui prétendent vouloir libérer les autres sont parfois eux-mêmes prisonniers de leurs propres addictions, au jugement, à la validation sociale. Il y a là une forme de contradiction, de souffrance aussi.
Le clip illustre cela par des visages anonymes qui se permettent de juger autrui, comme une sorte de tribunal sans visage, sans humanité.
Votre musique est souvent décrite comme du « cinéma pour les oreilles ». Le septième art est-il une source d’inspiration importante pour vous ?
Totalement. YOANN et moi sommes très cinéphiles. Le cinéma, comme la musique, est un art total, qui mobilise autant le visuel que l’émotion sonore. J’ai toujours été fasciné par les histoires, par la capacité d’un film à faire réfléchir tout en touchant le cœur.
Nous nous efforçons de composer des morceaux qui, à la manière d’un grand film, fassent voyager, émeuvent et interrogent. Les cinéastes que nous aimons ont cela en commun : ils posent les bonnes questions sans asséner de réponses toutes faites.
Enfin, en quelques mots, comment présenteriez-vous « The Maze » à nos lecteurs, avant qu’ils ne s’y aventurent ?
Une chronique du premier album disait : « Attention, gros son et émotions fortes », je crois que cela reste valable.
« The Maze », c’est une rencontre entre un hard rock cinématographique et un univers riche en textures, quelque part entre NINE INCH NAILS et DEPECHE MODE. Un disque pensé comme un film pour les oreilles, qui s’adresse autant au cœur qu’à l’intellect. Rien de creux, rien de gratuit, juste une œuvre taillée pour ceux qui aiment les contrastes et les émotions franches.