
Le 26 août 2025, j’ai eu le privilège de pouvoir interviewer Brady , chanteur et guitariste de CONJURER ; grand groupe de la scène sludge, doom metal anglaise, fondé en 2014.
Salut ! Tu es prêt ?
Salut ! Oui, allons-y ! (rires)
Juste quelques questions à te poser, pour une vingtaine ou une trentaine de minutes, ça te convient ?
Oui, bien sûr ! (sourires)
Je suis très heureuse de te rencontrer !
Oui, moi aussi ! (sourires)
Ok, alors je m’appelle Indie, je suis photographe et je fais aussi des interviews et chroniques pour Metal Rock Magazine. Pour être honnête, je ne connaissais pas CONJURER et j’ai découvert ton groupe. Je le trouve génial et très cool. J’adore ton dernier album « UNSELF » qui est ton 3e album si je compte bien, dont la sortie est prévue le 24/10/25.
Oui. (sourires)
Donc, tu as fondé ton groupe en 2014, presque 11 ans, du coup un long moment.
Oui.
Comment expliques-tu le succès du groupe, car 11 ans ce n’est pas rien !
Ouais, c’est drôle en fait parce que nous ne pensions vraiment avoir aucun succès, Dani et moi jouions dans des groupes metal du coin, dans le Midland donc un petit coin en Angleterre. On faisait des petits concerts metal locaux et on en avait un peu marre de faire ces concerts, on souhaitait faire quelque chose de nouveau, et on a tous les deux découvert des groupes comme GOJIRA, BLACK DALHIA MURDER, qui faisaient du doom et du death metal.
C’était assez inattendu pour nous alors on a joué par passion. Tu vois c’était cool mais on voulait vraiment jouer par passion. On a commencé le groupe sans aucune attente et quand le 1er album a marché, on a essayé de garder cette énergie et cette approche, de projeter dedans toute cette passion, pour garder cette attente vivante. Parce que je pense que si tu commences à avoir de trop grands projets ou attentes ça peut distraire, ouais et je pense que nous sommes restés très humbles face à cela. Nous sommes restés concentrés sur notre passion de la musique et nous sommes restés les mêmes.
Oui je comprends, c’est vraiment la musique qui vous dirige dans votre vie.
Oui, c’est ça.
Pourquoi ce nom pour le groupe : CONJURER ?
En fait, quand on a commencé à jouer, à écrire nos chansons, nous n’avions pas de nom. On a commencé à chercher un nom et Dani a suggéré « CONJURER » et je me suis dit « c’est cool » car je pensais qu’on n’allait pas trouver de meilleur nom et on a commencé à jouer sous ce nom.
Je ne sais pas si c’est le nom qu’on aurait choisi aujourd’hui ! (rires). Mais j’aime que ce ne soit qu’un seul mot.
Concernant ton dernier album, comment pourrais-tu le définir ? Plus du sludge, doom, un mélange de plusieurs styles ?
Je pense que, à nos débuts, on n’était pas restés focus sur un style, on était vraiment ouverts sur des influences comme GOJIRA, MASTODON, et on proposait des idées en se disant « ouais c’est cool » et on essayait de donner une direction aux chansons. Lors de l’enregistrement on ne voulait pas être catégorisés, on a laissé la musique décider de la résonance. Je trouve que c’est une voie intéressante car on n’a pas fait deux albums qui sonnaient exactement de la même façon parce qu’on voulait s’impliquer, montrer qui on est ! Et on se disait « c’est quel style de musique ? Je ne sais pas ce que c’est ! (rires).
C’est chouette parce que vous êtes dans un style mais vous incluez d’autres styles.
Oui, c’est ça ! On fait du metal, on est un groupe de metal. Je pense que pour les gens à l’extérieur, par exemple pour ma femme et ses collègues, on est un groupe de metal. Lors de festivals de metal c’est « Ah ! Vous faites du sludge ! ». Oui on fait du metal mais sans catégorie.
Et vous jouez ce que vous voulez jouer !
Oui, exactement ! (sourires)
C’est l’amour du metal !
À 100% ! (sourires)
Comment as-tu écrit ton dernier album « UNSELF » ? Je veux dire tous ensemble ou séparément ? Comment avez-vous procédé ?
Oui. Alors, d’abord tout était séparé avant l’enregistrement. On utilisait Guitar Pro, on se contactait par mail entre nous pour échanger sur nos idées.
Pour cet album, pour l’enregistrement (studio), on le voulait plus organique, alors par exemple on a décidé de la manière dont nous voulions procéder dans la pièce, pour les jam dans les chansons, donc on a réservé deux semaines pour le studio avec Joe qui a enregistré l’album et on s’est réuni pour voir ce que nous pouvions faire après qu’on se soit laissé durant des semaines et développer les chansons.
Et c’était très productif et plus que ce que l’on attendait réellement parce que chacun est venu avec ses idées.
Nous avons bien fait les choses et on s’attendait à travailler sur trois chansons. En fait, nous en avons travaillé six. C’était vraiment cool car on se voyait c’était « Hey qui a une idée ? »
Et c’était la première fois qu’on venait au studio avec beaucoup d’idées sur les paroles, sur les chansons, sur la musique…
On a durement travaillé en studio, pour nous quatre. On s’est donné personnellement pendant quatre mois en studio au lieu des deux semaines prévues. On a pris l’espace et le temps dans le studio pour donner à l’album le son voulu.
Du coup, vous aviez les paroles et travailliez autour avec les instruments ?
Non, en fait on avait toutes les musiques en premier. Tous les soirs au studio, on voulait finir d’enregistrer pour la journée et on se rencontrait au B’n’b qu’on avait loué près du studio et on discutait avec Dani de comment construire une idée, par exemple « cette chanson semble bien aujourd’hui en studio ». Toute la journée en studio pour la musique et tous les soirs pour les paroles.
D’accord. Quand j’ai écouté ton dernier album, j’étais très impressionnée émotionnellement par les thèmes abordés.
Oui.
C’est un album très intense et qui te prend au cœur par les paroles qui sont très fortes, notamment avec l’histoire de Dani, n’’est-ce pas ?
Oui. Je pense qu’on n’a jamais fait ça avant (Brady cherche ses mots) …beaucoup de chansons étaient très personnelles mais les gens nous demandaient leur signification car ce n’était pas évident parfois. Pour cet album, on voulait être plus direct concernant les sujets, je pense que c’est plus évident et on voulait être honnête avec les émotions à travers les chansons, parler d’expériences traumatisantes…
C’est important de bien utiliser les bons mots mais je pense qu’en étant direct, les émotions sont plus vives et fortes et je suis heureux que cela t’ait autant affectée.
Oui beaucoup, spécialement la chanson « Let us live », ma chanson préférée.
Merci (sourire). D’ailleurs, le single sortira dans deux semaines.
Sur internet, on peut voir l’horreur subie par les gens trans et on a commencé à écrire cette chanson sur ce sujet avec Dani. Spécialement sur le côté non binaire. Tu sais, on a beaucoup d’amis trans et c’est une cause que l’on respecte totalement et on se sentait de dire quelque chose sur ce sujet. Une partie des paroles proviennent directement de Dani, du coup une émotion qui reste, et c’est la première fois que l’on chante un refrain aussi long mais encore une fois, c’est la voie que l’on a considérée comme bonne.
Je suis très intéressé de voir comment les gens vont réagir quand ils écouteront cette chanson.
Je comprends parce qu’il n’y a pas beaucoup de chansons traitant du sujet de trans life, de transgenre. J’imagine que c’est difficile de parler de ce sujet. Mais quand j’ai écouté cette chanson, j’ai été très touchée. Les paroles sont très fortes concernant l’oppression, l’oppression politique, c’est très fort. Enfin c’est mon opinion au sujet de cette chanson. Et on peut ressentir ta colère quand tu chantes.
Oh, merci beaucoup. (sourires).
Pour moi c’est la plus puissante de l’album, tout comme d’autres bien sûr !
Merci, j’apprécie encore ton ressenti. J’apprécie les sentiments positifs des gens, j’en ai besoin. La musique de l’album est assez négative principalement (dans le sens sombre) mais (rires) je pense que c’est notre moyen de connecter les gens. Tu vois, par exemple chacun ressent comme une sorte de frustration dans la négativité, je pense spécialement dans cet album face, à ce sentiment universel, c’est unique et personnel pour chacun. Tu vois, Dani et toi êtes différents mais je trouve que cette chanson permet de vous connecter et c’est quelque chose que j’adore dans la musique. La musique permet de connecter les gens. Cette chanson se concentre sur la connexion humaine.
Je trouve cet album très personnel, intense et intime.
Pour sûr, oui il l’est.
C’est plutôt courageux d’aborder ce genre de sujet.
On parle de choses réelles, pas de folklore et comme je l’avais dit, ça m’intéresse de voir les réactions du public face à notre album, surtout face à cette chanson. J’espère que les gens auront la même réaction que toi !
Concernant vos dates en France ?
Oui, on va jouer à Lille, Paris et Colmar, en octobre 2025.
On est très enjoué de jouer pour nous-mêmes car quand tu joues dans des festivals, ce n’est pas forcément ton propre matériel, on ne joue pas forcément devant nos fans, alors jouer seul est quelque chose en plus pour cet album qui procurera un sentiment pas encore ressenti avant. Et oui, nous sommes excités de faire ces concerts !
Penses-tu que cet album sera en connexion avec le public en concert ?
Je l’espère vraiment. Comme précédemment dit, cet album est fait pour connecter les gens. On laisse le public venir à nous et je ferais de mon mieux pour répondre au public sur les réseaux sociaux si besoin, et laisser les gens savoir qu’ils sont écoutés à travers nos chansons. Alors encore une fois, je laisse le public savoir qu’ils sont écoutés même en France ! En fait, dans cet album, j’étais complètement dans les émotions, l’empathie. J’espère que les gens, peu importe ce qu’ils sont, auront de l’empathie également et iront au-delà des genres de conflits intérieurs de Dani, aller au-delà de la persécution dont on parle dans l’album. On verra si l’album leur parle ou non. (sourires)
Est-ce pour cela que l’album s’appelle « UNSELF » ?
C’est toujours en rapport avec la connexion entre nous-mêmes, avec notre ego, ce n’est pas juste à mon sujet, c’est au sujet de tous. Trouver leur voie de connexion.
Est-ce que tu joues d’un autre instrument ?
Oui, je joue de la basse et faisais partie d’un orchestre à l’école.
Puis-je te poser une question marrante ?
Bien sûr !
Si tu étais un animal, quel serait-il ? Pour moi, je serais un chat !
C’est une réponse ennuyeuse mais moi aussi je serais un chat. Tu vois, il y a un chat qui s’appelle James et qui ne vit pas loin de chez nous et qui vient devant chez nous parfois. Ma femme et moi le ramenons chez lui et on se demande souvent si James sera là ou non, du coup je crois que j’ai une obsession pour les chats. (rires).
Merci Brady ! J’aime beaucoup ton album et c’est très sincère.
Merci à toi et merci d’avoir pris le temps d’échanger !
Cette interview avec Brady, chanteur et guitariste de CONJURER, a été très intense en émotions. J’avoue en être ressortie très émue de par l’humilité de la personne, de sa franchise et des sujets abordés avec passion et conviction.
« UNSELF », dont la sortie est prévue le 24/10/25 chez Nuclear Blast Records, est un album sludge, doom metal, que je vous recommande vivement, non seulement pour la puissance des chansons et instruments mais aussi pour les sujets abordés.

CONJURER
« UNSELF »
Sortie prévue le 24/10/25
Chez Nuclear Blast Records